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Cher.e.s camarades,
L'ensemble des dirigeants de la CGT dans tous les départements de France et de la CGT dans toutes les professions sont ici pour vous adresser un énorme bravo.
Par votre grève exemplaire vous apportez un démenti cinglant à la politique xénophobe du gouvernement. Non, les étrangers ne sont pas des « assistés ».
Non les étrangers ne vivent pas aux crochets des Français. Les étrangers travaillent, cotisent et paient des impôts. Les étrangers occupent souvent les emplois de premiers et premières de corvée, dans l’aide à domicile, la restauration, la construction, le nettoyage. Celles et ceux qui ont été applaudis pendant le Covid et aussitôt oubliés.
Oui, les travailleurs français ont intérêt à ce que les travailleurs sans papiers sortent de la précarité. L’accès à des papiers c’est la fin des pleins pouvoirs aux employeurs. L’accès à des papiers c’est la possibilité d’exiger la rémunération de ses heures supplémentaires ou de refuser de faire des travaux dangereux.
C’est la possibilité de relever la tête et de se mobiliser collectivement. C’est donc le moyen de mettre fin au dumping social organisé par le patronat.
Par votre grève, vous montrez que la mobilisation collective change la donne. Vous avez très rapidement forcé vos employeurs à vous délivrer des Cerfas. Désormais, c’est le gouvernement qui ouvre enfin le processus de régularisation des 502 grévistes.
Nous sommes ici, ce soir, pour célébrer votre lutte qui doit vous emmener jusqu’à la victoire. Nous sommes aussi là pour vous accueillir pleinement à la CGT. A la CGT, on ne pratique pas la charité, on organise la solidarité. On ne porte pas de discours misérabilistes et condescendants, on fait en sorte que chacune et chacun puisse s’organiser et agir.
A la CGT, on ne mène pas les actions à la place de celles et ceux qui sont concernés, on permet à l’ensemble des travailleurs et travailleuses de décider et de changer la donne. Alors bienvenue à la CGT camarades !
Dès que votre situation sera stabilisée, vous pourrez prendre des responsabilités, implanter la CGT dans votre entreprise, et faire bénéficier à tous les autres travailleurs de tout ce que vous avez appris durant cette mobilisation, car il n’y a pas plus formateur qu’une lutte collective.
La bataille de la CGT pour la défense des travailleurs étrangers ne date pas d’hier. Nous fêtons cette année les 101 ans de la création de la MOI au sein de la CGT. MOI comme Main d’Oeuvre Immigrée, l’outil qui permettait aux travailleurs étrangers de s’organiser comme vous l’avez fait pendant votre grève.
Demain, Missak et Mélinée Manouchian, dirigeants des FTP-MOI pendant la guerre, qui ont organisé la lutte armée contre les nazis, entreront au Panthéon.
Avec elle et lui, ce sont les 23 fusillés de l’affiche rouge qui seront enfin reconnus. « 23 étrangers et nos frères pourtant, 23 amoureux de vivre à en mourir, 23 qui criaient la France en s’abattant ».
Ils et elles symbolisent la place des étrangers, des ouvriers et de la CGT dans la résistance. Ils et elles démontrent que la France a toujours été riche de sa diversité. Sans immigration, pas de Marie Curie, pas de Missak et Mélinée Manouchian, pas de Zinedine Zidane.
Sans immigration, pas de FTP-MOI qui ont contribué de façon décisive à la résistance intérieure, à la libération du pays, puis à la mise en place du programme du Conseil National de la Résistance, le plus grand moment de conquête de notre histoire sociale, de la Sécurité Sociale à la liberté de la presse, en passant par le droit d'asile et les nationalisations.
Les 23 de l’affiche rouge étaient, à l’image de la CGT, profondément internationalistes. Ils se sont battus contre l’occupant nazi pour défendre la France, pays des droits humains, des libertés et des droits sociaux. Italiens fuyant Mussolini, Espagnols fuyant franco, juifs fuyant l’antisémitisme et les progroms, Arméniens fuyant un génocide… et centaines de milliers de personnes fuyant la misère.
C’est cette espérance que la France incarnait à l’époque face à la montée des totalitarismes. Ce sont ces valeurs pour lesquelles ils et elles ont donné leur vie. Ce sont ces libertés que nous leur devons et qui sont aujourd’hui remises en cause.
Comme toujours, les charognards rodent autour des tombes. Quelle honte que Macron ait invité le RN ! Quelle honte que Marine Le Pen ose annoncer sa venue demain au Panthéon alors qu’elle représente tout ce que nos camarades ont toujours combattu !
Rappelons que Missak a demandé à deux reprises la nationalité française, sans succès.
Rappelons que le rassemblement national a été créé par d’ancien Waffen SS. Il a été créé par ceux qui ont condamné nos 23 camarades parce qu’étrangers, parce que communistes, et pour près de la moitié d’entre eux, parce que juifs !
Rappelons que nos camarades ont été qualifiés de terroristes, qualificatif qui est aujourd’hui accolé à nos luttes et à certains camarades comme Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de la CGT du Nord.
Les 23 n’ont « réclamé la gloire ni les larmes », et certainement pas les larmes de crocodiles de ceux qui piétinent tous les jours leur combat contre le fascisme.
Célébrer la lutte de nos 502 grévistes sans papiers ce soir, c’est la meilleure façon de rendre hommage à nos 23 camarades FTP-MOI. Demain, c’est la CGT, le mouvement ouvrier qui entre enfin au Panthéon et nous y serons avec Moktar, un des camarades grévistes, car vous êtes le plus beau symbole de la pérennité de leur lutte.
Leur vœu le plus cher c’était que nous continuions leur combat pour la liberté, l’égalité et la solidarité. Et c’est ce que nous faisons ensemble.
On vit ici, on bosse ici, on reste ici ! Et on lâche rien !
Le 20 février 2024