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Si vous vous intéressez à l'histoire du mouvement ouvrier, vous connaissez sans doute les caricatures qui présentaient les communistes, un couteau entre les dents. Mais peu de gens savent que cette caricature a un lien avec l'histoire coloniale. En 1910, le général Mangin avait publié un livre intitulé La force noire, dans lequel il décrivait les tirailleurs sénégalais comme une troupe de choc capable de soutenir efficacement l'armée française en cas de guerre contre l'Allemagne. Cette thèse fut popularisée dans des caricatures, diffusées sous forme de carte postale, montrant un tirailleur sénégalais, surnommé Boudou Badabou. Il tenait dans sa main la tête d'un soldat allemand qu'il venait de trancher comme l'indiquait le couteau plein de sang placé entre ses dents.
A partir de 1917, le rejet de la guerre provoqua des soulèvements populaires dans toute l'Europe. L'onde de choc née lors de la révolution bolchevik en Russie se répercuta en Allemagne, en Autriche-Hongrie, mais aussi en France. Au lendemain de l'armistice, le retour des soldats démobilisés multiplia par dix le nombre des chômeurs et le coût de la vie s'envola alors que les salaires restaient bloqués. Cette crise provoqua un puissant mouvement de grève en juin 1919, notamment dans les usines métallurgiques de la région parisienne. Animée par des militants de la CGT dont l'objectif était de renverser le capitalisme en suivant l'exemple des bolcheviks, cette grève fut un échec. Mais elle fit craindre aux conservateurs que la colère sociale se traduise dans les urnes lors des élections législatives prévues en novembre 1919. Ce qui poussa des patrons parisiens à financer la campagne des candidats de droite réunis au sein du Bloc national.
Pour alerter les électeurs sur le danger révolutionnaire, ils commandèrent une affiche à Adrien Barrère, un dessinateur très connu qui travaillait pour le théâtre d'épouvante. Celui-ci s'inspira de la caricature de Boudou Badabou pour créer une affiche intitulée "Comment voter contre le bolchevisme?" L'illustration était centrée sur le visage hirsute et mal rasé d'un homme aux yeux hagards, qui tenait un couteau sanguinolant entre les dents. Le mot "Bolchevisme" était écrit en grosses lettres, et le point d'interrogation interpellait directement l'électeur. (...)