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CGT Cochin

blog de la CGT de l'Hôpital Cochin

4 août 1789 : abolition des privilèges féodaux

Publié le 4 Août 2023 par CGT Cochin in Histoire

4 août 1789 : abolition des privilèges féodaux

La nuit du 4 août 1789, ou simplement la nuit du 4 Août, est la séance de l'Assemblée nationale constituante au cours de laquelle fut votée la suppression des privilèges féodaux. Débutée le mardi 4 août 1789 à sept heures du soir, elle se prolonge après minuit, jusqu'à deux heures du matin. C'est un événement fondamental de la Révolution française, puisque, au cours de la séance qui se tenait alors, l'Assemblée constituante met fin au système féodal. C'est l'abolition de tous les droits et privilèges féodaux ainsi que de tous les privilèges des classes, des provinces, des villes et des corporations, à l'initiative du Club breton, futur « Club des jacobins ».

(source :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_du_4_ao%C3%BBt_1789)

4 août 1789 : abolition des privilèges féodaux

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An 1789 : la révolution est en marche. En effet, la réunion des « états généraux » à Versailles le 5 mai doit être considérée comme le premier acte révolutionnaire. Non pas la réunion en elle-même car la réunion d’états généraux n’est pas une nouveauté même si les précédents remontent assez loin (les derniers s’étaient réunis en 1614), mais c’est la nouvelle composition de cette Assemblée et son nouveau fonctionnement qui sont sans conteste révolutionnaires.
An 2023 : la prochaine révolution sera une rupture radicale avec le système néolibéral et la création collective et populaire d’une nouvelle constitution.

Avant 1789 les états généraux étaient composés d’environ 900 membres, chaque ordre de la Nation (clergé, noblesse et tiers état) y déléguant 300 des siens. Lors des votes, chaque ordre ayant une voix, le résultat ne posait aucun problème à la royauté, les députés du clergé étant en large majorité des membres du haut clergé issus de la noblesse.
En 1789, grâce à des actions soutenues, le tiers état parvient à arracher au pouvoir royal deux réformes capitales : le « doublement du tiers » et « le vote par tête ». Les états généraux de 1789 comportent donc environ 1 200 députés dont 600 représentants du tiers état. Désormais lors des votes, chaque député comptera pour 1 voix. Le tiers état, par ses pressions incessantes et résolues, s’est donné les moyens de mener à bien son projet, à savoir « ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution à la France » (serment du Jeu de Paume).

Naissance de la souveraineté nationale

Une révolution juridique vient de s’accomplir : la souveraineté nationale s’est substituée à l’absolutisme royal grâce à l’union de tous les députés conscients de la nécessité de réformes.
A partir du 5 mai, les états généraux, bientôt autoproclamés Assemblée Nationale puis Assemblée Nationale Constituante, se sont organisés en commissions de travail avec la mise en chantier de la « Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen », qui sera publiée le 26 août (achevée en’1791). Mais le pays est en pleine crise financière et économique. À Versailles, le roi et l’aristocratie complotent et menacent, cherchant par tous les moyens y compris militaires à se débarrasser de cette Assemblée inquiétante, afin de récupérer les concessions qu’ils ont dû accorder au tiers état.
Le peuple répond à ces menaces en cherchant à s’armer, ce qui conduit à des pillages de boutiques d’armuriers et à la prise de la Bastille le 14 juillet. La récolte d’armes est maigre ce jour-là, mais la Bastille est le symbole de l’arbitraire de la monarchie absolue puisque c’est là que le roi emprisonnait ses ennemis sur simple lettre de cachet. De plus, cette journée a vu tomber la première tête d’aristocrate, celle du gouverneur du lieu, qui sera promenée toute la nuit au bout d’une pique à travers Paris !
La révolution devient populaire. Grâce au peuple parisien et aux hésitations de la monarchie, la bourgeoisie parvient à se donner un embryon d’administration en créant la municipalité de Paris et en se dotant d’une garde nationale qu’elle réussit à faire reconnaître par le roi. La plupart des grandes villes suivront l’exemple parisien.

La nuit du 4 août… l’abolition des privilèges

C’est dans ce contexte qu’une réunion exceptionnelle de l’Assemblée est convoquée pour la nuit du 4 août. Cette réunion donne lieu à un spectacle inattendu, inouï. En effet, un véritable vent de folie semble souffler sur l’Assemblée ! Les plus hauts dignitaires de l’Ancien Régime défilent à la tribune et dans un enthousiasme et une euphorie relatés dans tous les documents d’époque, abandonnent leurs divers privilèges.
Pourquoi ? Le 14 juillet et ses suites en sont l’explication. En effet, l’information circule mal à cette époque et ces événements parisiens qui se répandent en province à partir de la seconde quinzaine de juillet, y parviennent déformés, grossis, ce qui embrase, à leur tour, les campagnes. C’est la « Grande Peur ». Le monde paysan craint « le complot aristocratique » qui se trame à Versailles et la destruction de ses récoltes par les bandits qui écument les campagnes en cette période de crise et de chômage.
Les paysans entrent à leur tour dans la révolution : ils pillent et brûlent les châteaux, s’attaquant aux biens des aristocrates. Ils s’en prennent tout particulièrement aux « terriers », les archives seigneuriales sur lesquelles sont inscrits les droits féodaux que les paysans doivent à leurs seigneurs, espérant ainsi s’en débarrasser faute de preuves.
C’est cette révolte des paysans qui a affolé les aristocrates et les a conduits à se dépouiller volontairement d’une partie de leurs privilèges dans la nuit du 4 août. Mais comme la suite le montrera cette action était largement calculée…
Certes l’Ancien Régime féodal s’écroule cette nuit-là mais seulement verbalement. Car les députés de la noblesse et du clergé reviendront sur les réformes promises. Surtout, les paysans n’obtiennent pas la suppression des multiples droits féodaux qui pèsent sur la terre des seigneurs qu’ils cultivent. En effet, les droits féodaux, considérés comme faisant partie des biens seigneuriaux, sont déclarés « rachetables »… Toutefois la majorité des paysans n’ayant aucun moyen de payer la somme forfaitaire exigée ne pourront les racheter et continueront donc à les payer. Pour la masse des petits paysans c’est une amère déception. La bourgeoise, que l’atteinte au droit de propriété commence à inquiéter, n’est pas prête à les suivre.
Pourtant les résultats de cette nuit du 4 août n’en furent pas moins d’une extrême importance : ce sont tous les liens de servitude personnels (corvées…), tous les privilèges des individus (droit d’aînesse, hérédité des « charges » octroyées par le roi) et des ordres (dîme payée au clergé, titres de noblesse et blasons, droits de colombier, de chasse, etc., dus aux seigneurs) mais aussi les privilèges des provinces et des villes (péages, droits d’octroi) qui sont mis à bas cette nuit-là. On peut donc parler d’ébranlement de l’Ancien Régime féodal, même si il faudra attendre la tentative de révolution populaire et le décret du 17 juillet 1793 de la Convention nationale pour que les privilèges féodaux soient abolis sans contrepartie.
En août 1789, la bourgeoisie, grâce à l’intervention populaire, a fait table rase de l’Ancien Régime. Oubliant l’aide déterminante du peuple, elle reconstruira la France à son profit…

2023 et la suite

Aujourd’hui, avec Macron, la bourgeoisie contemporaine, financière, mondialiste, européiste et atlantiste poursuit le mouvement entamé depuis de nombreuses années, par tous les gouvernements de « droite » comme de « gauche », en inversant les termes d’alors. Ils n’ouvrent que pour le maximum de profit en détruisant la France et en asservissant son peuple !
En 2023, comme en 1789, la question du changement de régime est vitale pour le peuple de France. Nous ne reviendrons pas ici sur la longue liste des changements radicaux à effectuer ni sur les mesures immédiates à prendre en faveur des classes dominées.

Elles sont détaillées dans les nombreux textes et dans le programme du Pardem (https://pardem.org/les-dix-points-cles-du-programme-du-pardem).


En revanche, nous retenons les leçons de l’Histoire et affirmons simplement, mais avec force, que pour en finir avec le régime néolibéral autoritaire de la nouvelle bourgeoisie, incarné par Macron et sa clique mondialiste, une nuit du 4 août ne nous suffira pas ! Pour rompre avec le système il nous faudra construire une nouvelle constitution fondée sur des droits nouveaux inaliénables pour le peuple d’aujourd’hui et de demain et construire un programme révolutionnaire. La tâche est immense mais l’histoire atteste qu’une révolution est toujours possible !

Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Parti de la démondialisation chargé des relations internationales.

(source : https://pardem.org/pour-rompre-avec-le-systeme-une-nuit-du-4-aout-et-bien-plus )

4 août 1789 : abolition des privilèges féodaux

4 août 1789 : abolition des privilèges par l’Assemblée Constituante.

 

Les troubles de Paris, suivis de la prise de la Bastille, avaient mis en mouvement le ferment révolutionnaire. Sur presque tous les points de la France des émeutes avaient lieu : on détruisait les bureaux des gabelles ; on pillait, on incendiait les châteaux ; on égorgeait les nobles au nom du roi et de l’assemblée nationale. La disette et la cherté des grains venaient se joindre à ces éléments d’agitation. C’est dans ce contexte qu’eut lieu la mémorable séance de l’Assemblée Constituante du 4 août 1789.

 

Le 20 juillet, Lally-Tolendal fait une motion tendant à ce que l’assemblée s’occupe de raffermir l’autorité publique, et lui soumet un projet de proclamation au peuple, destinée à lui rappeler tout ce qu’ont fait l’assemblée et le roi pour mériter sa confiance ; inviter les bons citoyens au retour à l’ordre, à la répression des troubles et des exécutions arbitraires ; et autoriser la formation des milices bourgeoises sous la surveillance des autorités.

 

Cette motion convertie en arrêté était soumise à l’approbation de l’assemblée le 4 août au soir, et allait être adoptée, lorsqu’un membre de la noblesse, le vicomte de Noailles, se lève et s’exprime en ces termes.

 

« Comment peut-on espérer de parvenir à arrêter l’effervescence des provinces, à assurer la liberté publique, à confirmer les propriétaires dans leurs véritables droits, sans connaître quelle est la cause de l’insurrection qui se manifeste dans le royaume ? et comment y remédier, sans appliquer le remède au mal qui l’agite ?

 

« Les communautés ont fait des demandes : ce n’est pas une constitution qu’elles ont désirée, elles n’ont formé ce vœu que dans les bailliages. Qu’ont-elles donc demandé ? Que les droits d’aides fussent supprimés ; qu’il n’y eût plus de subdélégués ; que les droits seigneuriaux fussent allégés ou échangés.

 

Ces communautés voient, depuis plus de trois mois, leurs représentants s’occuper de ce que nous appelons, et de ce qui est en effet la chose publique ; mais la chose publique leur parait être surtout la chose qu’elles désirent et qu’elles souhaitent ardemment d’obtenir.

 

« D’après tous les différends qui ont existé entre les représentants de la nation, les campagnes n’ont connu que les gens avoués par elles, qui sollicitaient leur bonheur, et les personnes puissantes qui s’y opposaient. Qu’est-il arrivé dans cet état des choses ? Elles ont cru devoir s’armer contre la force ; et aujourd’hui elles ne connaissent plus de frein.

 

Aussi résulte-t-il de cette disposition que le royaume flotte, dans ce moment, entre l’alternative de la destruction de la société, ou d’un gouvernement qui sera admiré et suivi de toute l’Europe.

 

« Comment l’établir, ce gouvernement ? Par la tranquillité publique. Comment l’espérer, cette tranquillité ? En calmant le peuple, en lui montrant qu’on ne lui résiste que dans ce qu’il est intéressant pour lui de conserver. Pour parvenir à cette tranquillité si nécessaire, je propose :

 

1° Qu’il soit dit, avant la déclaration projetée par le comité, que les représentants de la nation ont décidé que l’impôt serait payé par tous les individus du royaume, dans la proportion de leurs revenus.

2° Que toutes les charges publiques seraient à l’avenir supportées également par tous.

3° Que tous les droits féodaux seront rachetables par les communautés, en argent, ou échangés sur le prix d’une juste estimation, c’est-à-dire, d’après le revenu d’une année commune prise sur dix années de revenu.

4° Que les corvées seigneuriales, les mainmortes et autres servitudes personnelles seront détruites sans rachat. »

 

Au vicomte de Noailles succède le duc d’Aiguillon, qui propose à l’assemblée de décréter l’égale répartition de l’impôt, le remboursement des droits féodaux, au denier trente. Le Guen de Kerengal, député de la Basse-Bretagne, trace un tableau énergique, quoique un peu déclamatoire, des abus du régime féodal ; il conclut « à la destruction du monstre dévorant de la féodalité ».

 

Les propositions les plus généreuses succédèrent rapidement à ces différentes motions : tant l’exemple de l’héroïsme en tout genre, au milieu d’une grande assemblée et sous l’œil du public, est toujours sûr d’électriser les âmes, en France surtout ! Bientôt on proposa de convertir en redevances pécuniaires et rachetantes à volonté toutes les sortes de dîmes en nature ; d’abolir les justices seigneuriales, et le droit exclusif de chasse ; de déclarer remboursables tous les droits féodaux quelconques ; de réaliser les offres des ordres privilégiés en décrétant qu’ils paieraient, comme tous les autres citoyens, les impôts actuels ; de rendre gratuite l’administration de la justice.

 

A ces nobles sacrifices, les députés des provinces s’empressèrent de joindre celui des privilèges, franchises, chartes et capitulations de leurs commettants. Cet exemple fut aussitôt imité par les députés des villes principales du royaume, et la séance ne finit qu’à deux heures du matin.

 

Au milieu de cette ivresse de générosité, de ces sacrifices faits avec une véritable furia francese, un député du parti populaire s’approche de Lally-Tolendal et lui serrant la main : « Abandonnez-nous, lui dit-il, la sanction royale, et nous sommes amis. » « Ces mots me frappèrent, dit Lally lui-même dans son mémoire ; je sentis qu’il était nécessaire de rattacher le roi à ce nouvel ordre de choses ; qu’il fallait rappeler tout ce que nous lui devions ; et je le fis proclamer restaurateur de la liberté française. »

 

Ainsi finit cette séance nocturne dans laquelle, selon l’expression du rédacteur du Point du jour : « Le patriotisme de la noblesse française porta lui-même au colosse féodal des coups plus terribles qu’il n’en avait reçu de la politique farouche de Louis XI et de Richelieu. » Elle fit, par un sentiment de générosité et d’héroïsme, ce que des factieux avaient prétendu lui arracher par la violence et par des atrocités.

 

Pour terminer le tableau de cette mémorable séance, que Rivarol appelait la Saint-Barthélemy des privilèges, nous allons donner la nomenclature de toutes les motions qui furent faites et décrétées.

 

1° La liberté des personnes et les propriétés conservées.

2° Toutes les charges publiques supportées sans distinction, à raison des facultés.

3° Les servitudes féodales abolies sans indemnités.

4° On prendra cependant en considération les maîtrises, les jurandes, etc.

5° Les droits seigneuriaux, banalités, terrages, seront rachetables.

6° Mainmortes remboursables.

7° Les colombiers détruits.

8° La chasse permise à tout le monde sur sa propriété, mais sans armes à feu pour les gens de la campagne.

9° Les garennes détruites.

10° Les justices seigneuriales abolies ; continuées cependant jusqu’à ce que l’assemblée nationale ait fait un règlement.

11° Les dîmes en nature inféodées, rachetables ou converties.

12° Toutes rentes foncières remboursables.

13° La justice sera rendue gratuitement.

14° Abandon du casuel de la part du clergé.

15° Augmentation prochaine des portions congrues, et revenus des curés des villes augmentés.

16° Tous privilèges pécuniaires abolis. On avisera à faire supporter, sans distinction, les six derniers mois de l’impôt de l’année 1789.

17° Les droits, privilèges des villes et provinces abolis.

18° Admission de tout citoyen aux charges civiles et militaires.

19° Annates et droits de déport abolis.

20° Pluralité de bénéfices défendue.

21° Les pensions et grâces de la cour seront examinées, abolies si elles sont injustes, diminuées si elles sont excessives.

22° Il sera frappé une médaille.

23° Le roi proclamé restaurateur de la liberté française.

 

Les arrêtés de la nuit du 4 août avaient été pris d’enthousiasme et par acclamation : il fallait les régulariser. Ici les difficultés et les discussions surgirent, les uns voulant les étendre, les autres aspirant à les restreindre ; il y eut même des protestations contre le principe des arrêtés du 4 août. Le marquis de Thiboutot, député de la noblesse du pays de Caux, prononça, dans ce sens, un discours fort remarquable, souvent interrompu par les murmures de rassemblée.

 

Discours du Marquis de Thiboutot, sur les arrêtés du 4 août 1789

 

« Je ne saurais admettre, messieurs, pour l’intérêt de mes commettants, la rédaction de l’arrêté qui se trouve dans ce moment-ci soumis à votre jugement. Elle semble annoncer à l’ordre de la noblesse la suppression de ses droits féodaux. C’est sur ces droits qu’est fondée l’existence des fiefs ; c’est sur l’existence des fiefs que sont fondées les distinctions de la noblesse, et je ne crois pas, messieurs, qu’après le sacrifice volontaire qu’elle a fait de ses privilèges pécuniaires, vous vouliez la dépouiller de ses privilèges honorifiques.

 

 « Vous n’ignorez pas que son intention n’est pas de s’en dépouiller elle-même ; et comme il n’est point de Français qui n’ait eu dans ce moment-ci les yeux ouverts sur elle, il n’en est point aussi qui ne sache qu’autant elle a mis d’empressement à se soumettre à l’égalité de l’impôt, autant elle a cru pouvoir exiger de fermeté de ses représentants, pour la défense des distinctions qui la caractérisent, et qu’elle croit nécessaires à conserver dans une monarchie.

 

 « Vous ne pourriez donc regarder l’abandon qu’en ont fait hier quelques-uns des députés comme son propre vœu. L’empressement avec lequel ils l’ont fait doit même vous prouver qu’ils n’en ont point envisagé les conséquences ; et vous devez être d’autant moins étonnés qu’ils ne les aient point envisagées, qu’il n’était question de cet objet, si intéressant pour leurs commettants, que comme d’un objet accessoire et secondaire de votre arrêté.

 

 « Les premiers mouvements de l’homme, messieurs, sont sans doute pour la nature ; mais les seconds, chez lui, doivent être pour la raison. Il est dans la nature de tout gentilhomme français de ne plaindre aucun sacrifice pour l’intérêt de sa patrie ; mais il est de la raison et du devoir de ceux mêmes d’entre eux qui auraient oublié hier le vœu de leurs commettants, pour ne s’occuper que du leur, d’exprimer aujourd’hui ce vœu, de se conformer aux intentions bien connues de leur ordre, et de défendre de tout leur pouvoir sa propriété honorifique.

 

« On vous a présenté, messieurs, les droits féodaux comme nuisibles à l’agriculture ; mais est-il un état, est-il même une république où l’agriculture soit aussi florissante qu’elle l’est en Angleterre ? Et les seigneurs de terres ne jouissent-ils pas en Angleterre de presque tous les droits dont les anciens seigneurs normands jouissaient en Normandie, lorsqu’ils ont conquis ce royaume, et qu’ils y ont apporté les lois de leur pays ?

 

 « On vous a proposé de supprimer sans indemnité les corvées qui se trouvent encore dues aux propriétaires de quelques terres par les habitants des campagnes ; et on a voulu vous faire envisager ces corvées comme des restes de l’ancienne servitude de la France. Mais ne sont-elles donc pas, messieurs, ainsi que tous les droits des seigneurs, le produit de la cession qu’ils ont faite de la plus grande partie de leurs terres à ceux qui n’en avaient pas ? Cette cession à bail perpétuel, connue sous le nom d’inféodation, ne doit-elle pas être, par la nature des choses, soumise aux mêmes lois que celles faites à bail emphytéotique, ou à bail de neuf et sept ans ? Et s’il a toujours été permis d’exiger des corvées des particuliers auxquels on a cédé, par bail à terme, le profit qu’on pouvait faire sur ses terres, n’a-t-il pas toujours dû l’être aussi d’en exiger de ceux auxquels on a cédé pour un temps indéfini le même profit ?

 

 « Vous savez, messieurs, qu’il n’existe pas plus de charges sans bénéfices, que de bénéfices sans charges. Vous savez qu’on n’a jamais conclu ni accepté de marché, que lorsqu’on a trouvé plus d’avantage que de désavantage à le conclure ou à l’accepter. Vous avez déjà fait connaître l’esprit d’équité qui vous anime, en consacrant les droits de propriété, en adoptant pour base ou pour premier principe de la constitution française, que tout citoyen avait un droit égal à la justice de la société. Les gentilshommes, messieurs, sont des citoyens. Il n’est aucun de leurs droits féodaux qui ne soit le prix du droit sacré de propriété qu’ils avaient sur les terres qu’ils ont inféodées. Il n’en est donc aucun dont il ne dût leur être tenu compte, si l’intérêt public pouvait en exiger le sacrifice.

 

 « Je ne doute pas d’ailleurs, messieurs, que vous ne pesiez dans votre sagesse si les mœurs des habitants des campagnes, si le commerce même, n’auraient pas à perdre infiniment à la permission qu’il vous a été proposé d’accorder à chaque cultivateur de détruire, dans tous les temps, toute espèce de gibier sur ses terres.

 

 « Il vous a encore été proposé de porter au denier trente l’estimation de la valeur de tous ceux de ces droits, dont on croyait que les seigneurs ne pouvaient être privés sans indemnité. Je dois vous prier de considérer que le plus grand nombre des rentes seigneuriales se trouve déjà réduit à la quatre-vingt-seizième partie de leur valeur, parce que le plus grand nombre des seigneurs a autrefois consenti à en recevoir le paiement en argent ; et que celles de ces rentes qui se perçoivent en argent ne leur produisent conséquemment plus aujourd’hui que cinq sous, au lieu d’un louis, que cent vingt-cinq livres, au lieu de douze mille livres, et que mille écus, au lieu de deux cent quatre-vingt-huit mille livres qu’elles devraient leur produire.

 

 « Je dois opposer aux reproches que j’ai entendu faire, en général, au contrat féodal dans cette auguste assemblée, ce qu’en pensait, il y a quelques années, un des plus célèbres jurisconsultes du siècle. « Il n’est point, disait-il, de contrat plus favorable au débiteur. Il est le seul dont on puisse abandonner l’effet, sans donner contre soi un droit de recours et d’indemnité, lorsqu’on se trouve trop grevé. Il est assujetti à une forme et à des lois particulières, pour la contrainte des redevables, qui tendent également à diminuer pour eux les frais de justice, et à alléger leur sort.

 

 « Dans le plus grand nombre des provinces du royaume, les lois protègent le vassal et restreignent la liberté que le seigneur pourrait avoir d’abuser de ses droits. Des titres authentiques, une possession constante, peuvent seuls lui en procurer l’exercice, et souvent il ne jouit pas, pour ses redevances, des privilèges que la loi accorde à son vassal pour les siennes. Dans les basses justices, il ne peut demander que trois années de ses rentes ; et il semble que le contrat soit tout à l’avantage du vassal, puisqu’il contient, en sa faveur, une condition dont la réciprocité devrait être la base, et dont cependant le seigneur se trouve privé. »

 

 « Je laisse, d’ailleurs, à l’équité et à l’honnêteté des communes à décider si elles auraient dû, si elles devront jamais permettre, même à des membres de la noblesse, de proposer à l’assemblée, et surtout d’y discuter des objets sur lesquels elles ont des intérêts contraires à ceux de cet ordre. Elles sont trop justes, sans doute, pour vouloir être, en même temps, juges et parties. Et comment ne seraient-elles pas à la fois l’un et l’autre dans une délibération commune où l’on compte les voix, et où, quelle que fût la façon de penser de la noblesse, elle n’aurait jamais rien de mieux à faire que de paraître céder de bon gré ce qu’elle serait toujours obligée de céder de force, vu la prépondérance qu’elles y ont sur elle de deux voix, et peut-être même de trois contre une ?

 

 « Il semble qu’il vaudrait encore mieux qu’elles exigeassent d’elle, avec une franchise digne des deux ordres, le sacrifice que, dans la sagesse de leur patriotisme, elles jugeraient nécessaire qu’elle fit à l’intérêt du bien public. Elles ne doivent certainement pas douter qu’elle ne soit toujours portée à le préférer au sien propre. »

 

La discussion des articles se continua jusqu’au 11 août, et se termina par l’adoption du décret, amplifié en beaucoup de points. Les dîmes, par exemple, avaient été, le 4, déclarées rachetables ; le 10 elles furent déclarées abolies.

 

Article de la direction du Blog : La France pittoresque

https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article6195

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