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CGT Cochin

blog de la CGT de l'Hôpital Cochin

Sophie Binet interpelle les candidats à l'élection européenne du 9 juin

Publié le 4 Juin 2024 par CGT Cochin in Actualité, Luttes nationales

Sophie Binet interpelle les candidats à l'élection européenne du 9 juin
En conclusion des Etats Généraux de l'industrie tenus le 28 mai, Sophie Binet interpelle les candidats à l'élection européenne du 9 juin

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Le 28 mai à Montreuil, Sophie Binet et les responsables de plusieurs fédérations professionnelles de la confédération, ont animé plusieurs tables rondes lors des « Etats généraux de l’industrie et de l’environnement » que la CGT organisait. 700 militants syndicalistes y ont participé. Ils ont aussi interrogé les 8 têtes de liste aux élections européennes du 9 juin pour connaître leurs propositions.

 

Sophie Binet, Sébastien Ménesplier et plusieurs secrétaires fédéraux de la CGT, ont participé à ces « États généraux pour l’industrie et l’environnement » « Réindustrialiser pour répondre aux besoins et défis environnementaux », a été le thème de la 1ère table ronde. La seconde visait à « permettre aux salarié-es de reprendre la main sur la finalité de leur travail ». La troisième était centrée sur les propositions de la CGT.

 

Notre Blog reviendra dans les prochains jours sur les 3 tables rondes. Aujourd'hui nous portons à la connaissance de nos lecteurs les conclusions de Sophie Binet à l'initiative qui a pris la forme d'un questionnement aux 8 têtes des listes candidates aux élections européennes du dimanche 9 juin.

 

XXX

 

Les conclusions de Sophie Binet secrétaire générale de la CGT

 

Mesdames les Candidates,
Messieurs les Candidats,
Cher·e·s Camarades,

 

Je tiens à vous remercier de votre présence - notamment pour les têtes de listes dont je sais l’agenda très chargé. L’exercice démocratique que nous allons faire ensemble est très important. Ici, on n’est pas dans des salons feutrés, la réalité du travail dans le pays, chacun·e des 700 militants et militantes ici peuvent en témoigner avec franc parler et sans langue de bois mais nous allons encore une fois prouver que nous savons respecter les opinions de chacun et chacune.
 

Je suis ravie que vous soyez tous et toutes présent·e·s à la CGT aujourd’hui car ces dernières années, nous nous sommes sentis bien seuls en matière d'industrie.
 

Traités d'archaïques, de pollueurs, ou encore de défenseurs d'un monde révolu, car le néolibéralisme avait décidé de mettre en concurrence les travailleurs et travailleuses du monde et que les élites françaises en avaient déduit que l'industrie n'avait plus sa place en France.
 

Le résultat de cette politique, c’est le grand déclassement. Le déclassement de la France qui n’est même plus capable de produire des masques ou des médicaments et se désintéresse de ses filières stratégiques l’automobile, l’énergie, la sidérurgie, la chimie. Le déclassement des travailleuses et des travailleurs, touchés de plein fouet par le chômage et la précarité.
 

Alors changer de discours sur l’industrie c’est bien. Mais maintenant il faut passer aux actes car la saignée industrielle continue. La CGT a révélé les plus de 130 plans de licenciements en cours actuellement : MA France, Clestra, Ascometal, Exxon, Duralex, Yara, Bosch, Milee, Sanofi, Stellantis… Les témoignages des camarades présents sont tristement répétitifs : à chaque fois leur entreprise a été mise en difficulté du fait des choix des donneurs d’ordre et des actionnaires. A chaque fois, ce sont les salariés qui portent des projets d’avenir, et qui, parfois, malgré le fait qu’ils n’ont pas voix au chapitre, réussissent par la force de la mobilisation à sauver les emplois comme à Valdunes dernièrement.
 

Dans ce contexte, la réforme de l’assurance chômage est criminelle et j’espère que vos groupes politiques la bloqueront le 13 juin prochain à l’Assemblée nationale.
 

Ce qui tue notre industrie ce n’est pas le prétendu « coût du travail » - je rappelle d’ailleurs que les salaires en France sont maintenant plus faibles qu'en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg ou en Suisse par exemple -. Ce qui tue notre industrie c’est le coût du capital, les dividendes et rachats d'action dont la France détient le record Européen qui empêche les investissements, condamne la recherche, et tue dans l'œuf tout développement de projet de long terme.
 

Alors que la planète brûle et que l’enjeu environnemental n’a jamais été aussi prégnant, il faut relocaliser l’industrie. Mais pas question, au prétexte de sauver l’industrie, de mettre sur pause la nécessaire transformation environnementale.
 

La ficelle est grosse, on l’a vu pendant la mobilisation des agriculteurs et agricultrices dont l’exigence était la garantie d’un revenu décent. Pour maintenir les marges de l’agro-industrie, le gouvernement et la FNSEA font adopter actuellement un Projet de loi qui casse les normes environnementales. Cela s’appelle un hors sujet et les paysans seront les premières victimes car ils et elles sont les premiers exposés aux produits chimiques et au changement climatique.
 

Les travailleuses et les travailleurs ne se laisseront pas berner. Nous refusons de choisir entre notre emploi et notre planète. Nous refusons cette mise en opposition entre le social et l’environnemental qui fait le lit de l’extrême droite. Nos ressources ne sont pas infinies, pas possible de les dilapider avec des productions jetables, qui inondent la planète et sont en décalage complet avec les besoins des populations. Il faut changer en profondeur nos modes de production et de consommation.
 

Plus le temps passe, plus les conséquences environnementales sont irrémédiables. Plus le temps passe, plus les changements à apporter pour éviter la catastrophe sont profonds. Il faut donc agir vite, très vite, et l'Europe est un échelon majeur.

 

Vous l'aurez compris, la CGT vous appelle à changer le cap de la construction européenne. L'Europe du capital, on en a sous les yeux le résultat : casse de nos droits sociaux, de nos emplois et de nos services publics et montée en flèche de l'extrême droite. Et c'est là le pire des paradoxes.
 

Rappelons-nous : l'Europe a été construite au lendemain de la seconde guerre mondiale pour empêcher le retour du fascisme et de la guerre. Et aujourd'hui, l'extrême droite est aux portes du pouvoir dans la majorité des pays européens et pourrait sortir en tête de ce scrutin !
 

Il faut tirer les leçons de ces échecs et ouvrir des perspectives de progrès pour le monde du travail. Pour cela, nous vous avons transmis 22 propositions dont l'essentiel sont partagées au niveau de la CES et de ses 93 syndicats membres, et que je n'aurai pas le temps de détailler mais qui s'articulent autour de 2 enjeux
 

Le premier, c'est la nécessité de donner de nouveaux droits aux travailleurs et aux travailleuses.

 

Notre industrie a été saignée par la mise en concurrence internationale et européenne. On a construit une Europe permettant une libre circulation du capital sans mettre en place d'Europe sociale. Rappelons que le premier lieu de délocalisation, ce n'est pas l'Asie, mais l’Europe ! Rappelons que les paradis fiscaux ne sont pas sur des atolls exotiques, ils sont au cœur de l'Europe, au Luxembourg, en Irlande, aux Pays Bas ou en Belgique où nos multinationales se domicilient pour payer toujours moins d'impôts.
 

Grâce à la mobilisation de la Confédération Européenne des Syndicats dans la dernière période la commission européenne a mis en chantier une série de directives sociales : la directive sur le salaire minimum, celle sur la transparence salariale, celle sur les travailleurs des plateformes, pour garantir une présomption de salariat, ou encore la directive devoir de vigilance sur la responsabilité des multinationales sur la chaine de sous-traitance.
 

Sans surprise, nous nous sommes à chaque fois heurtés à l'opposition des eurodéputés d'extrême droite. Mais nous avons aussi eu à affronter l’opposition du gouvernement français qui a vidé une partie de ces directives de leur contenu et a appelé à mettre sur pause toute nouvelle règlementation environnementale européenne. C'est grave.
 

C’est grave car contrairement à ce que l'on entend souvent, l'Europe sociale n'est pas bloquée par les nouveaux entrants mais par un membre fondateur, qui est de moins en moins le pays des droits sociaux et des libertés !

Pour rompre avec cette Europe du dumping, il faut bien sûr harmoniser vers le haut les normes sociales, fiscales et environnementales. Avec la CES, nous revendiquons notamment une directive européenne sur la santé au travail pour mettre fin à l'épidémie de morts au travail dont la France détient le record. Cette mise en concurrence des travailleurs et des travailleuses s'effectue aussi évidemment au plan mondial. Cependant, alors que les autres pays - Etats Unis et Chine en tête - protègent leur industrie, l'Europe se contente d’être le marché du monde.

 

La Chine, par exemple, y exporte 20 millions de conteneurs par an. Si on les alignait, ils feraient trois fois le tour de la terre. Dans le même temps l'Europe construit des murs et refoule par milliers les réfugiés qui fuient la misère et les persécutions. L’Europe doit retrouver sa place de région phare des droits des femmes, des droits humains et des libertés et avoir une stratégie de codéveloppement vers l’Afrique et les régions qui subissent à la fois les déstabilisations politiques, l’exploitation de leurs ressources, les conflits armés et les catastrophes écologiques. Alors que les budgets d’aide au développement ont été drastiquement limités par le gouvernement français, vous battrez vous pour les rétablir ?
 

Au lieu de de multiplier les traités de libre-échange, il faut mettre en place des droits de douane dissuasifs pour les pays qui ne respectent pas les normes sociales et environnementales.
 

Au lieu de continuer à s'inscrire dans le principe de la spécialisation productive mondiale, il faut développer en France et en Europe une industrie qui réponde aux besoins des populations, et je le dis tout net ce n'est ni le luxe, ni l’armement !
 

Pour répondre au défi environnemental et sortir du chantage à l'emploi, il faut commencer par sécuriser l'emploi et les garanties collectives des salariés. C'est la raison pour laquelle la CGT propose la mise en place d'une sécurité sociale professionnelle, financée par les grandes entreprises, qui permettrait de maintenir le contrat de travail et le salaire des salariés et de les former pendant la transformation de l'entreprise.

 

Cette sécurité sociale professionnelle, c’est ce qu’ont arraché, par la lutte, nos camarades de Gardanne qui ont réussi à maintenir le contrat de travail des salariés pendant la transformation de leur centrale à charbon. Mesdames et messieurs les candidat·e·s, êtes-vous prêt·e·s à généraliser cette sécurité sociale professionnelle environnementale ?

 

Nous voulons également une directive sur les comités d'entreprises européens pour que les salariés cessent d'être les passagers clandestins des stratégies des entreprises. Cordemais, Gardanne, Chapelle Darblay, projet médical à Thalès, recyclage de l'eau à ST Microelectronics... nous avons aujourd'hui présenté les très nombreux projets de la CGT, construits par les salariés pour permettre de maintenir l'emploi tout en répondant aux enjeux environnementaux.
 

Le problème c'est que nous n'avons que très peu de moyen d'intervenir sur les stratégies des entreprises et qu'elles n'ont même pas l'obligation de faire la transparence sur leur impact environnemental! Nous voulons que les salariés soient à parité avec les directions dans les conseils d'administrations, nous voulons pouvoir suspendre les aides publiques quand elles sont manifestement mal utilisées comme à Sanofi qui a bénéficié d'un milliard de crédit impôt recherche tout en divisant par deux ses effectifs de chercheurs en dix ans.
 

Ce n'est plus possible de multiplier les aides aux entreprises sans contrepartie ni évaluation ! La politique du carnet de chèque ne fait pas une politique industrielle !
Le deuxième enjeu, c’est de reconstruire la puissance publique.

 

Le défi environnemental est colossal et ce n’est certainement pas la loi du marché qui va permettre d’y répondre. Il faut au contraire planifier, renforcer nos infrastructures publiques, et investir massivement.
 

Planifier, c’est ce qui avait été mis en place avec succès au sortir de la seconde guerre mondiale par le Conseil National de la Résistance pour reconstruire le pays. Il s’agissait à l’époque de prendre le pouvoir sur les forces de l’argent. Depuis, l’Etat n’a cessé de se couper les bras et les jambes et de supprimer tous ses leviers d’intervention pour donner les clés du camion aux multinationales. Tant et si bien que le paradigme est maintenant inversé : c’est maintenant la puissance publique qui est au service des multinationales et qui est sommée de sortir le carnet de chèque pour éponger les désastres sociaux et environnementaux.

 

Il faut au contraire une planification démocratique pour définir les productions à relocaliser et à transformer pour répondre au défi environnemental. Planifier, cela signifie adopter davantage de normes environnementales, en commençant par imposer une économie circulaire : réduire la consommation de ressources naturelles, recycler tous les déchets et fonctionner en circuits courts. Sans obligations contraignantes, on en restera à un greenwashing de papier glacé !

Planifier, cela signifie aussi mettre fin au dépeçage de nos champions nationaux et de nos infrastructures publiques : EDF, la SNCF, France Télécom, Alcatel Lucent, Alstom... Ces privatisations sont le fruit de décisions européennes mais pas seulement.

 

Dernier exemple en date : fret SNCF que la France démantèle alors que l'Allemagne qui elle s'est battue face à Bruxelles maintient son opérateur historique. De même en matière d'énergie, malgré les directives imposées par Bruxelles pour faire de l'énergie un grand marché spéculatif, l'Espagne a choisi de ne pas appliquer ces principes et maintient un tarif régulé, qui permet de protéger particuliers et entreprises et aussi de dégager des marges de manœuvres pour investir dans la transformation environnementale.
 

Il est encore possible de revenir sur ces choix délétères, c’est d'ailleurs la raison pour laquelle 10 000 cheminot·e·s manifestent actuellement à Paris. Etes-vous prêts à mettre en place un moratoire immédiat sur le dépeçage de Fret SNCF ? Etes-vous prêts et à rétablir un tarif régulé de l'énergie, mettant fin à l'aberration de l’ARENH ? Etes-vous prêts à utiliser tous les moyens à notre disposition, y compris les nationalisations, pour retrouver la maitrise des secteurs stratégiques, comme les médicaments ou le numérique ?
 

Face au défi environnemental et à celui du vieillissement de la population nous avons plus que jamais, besoin de nos services publics. Et ils sont aujourd’hui à l’os. Faute de prise en charge, on meurt dans nos hôpitaux. Notre école se transforme en centre de tri social et nos universités et organismes de recherche se paupérisent comme jamais. Il faut remettre en cause le pacte de stabilité qui contraint à des coupes drastiques dans les dépenses publiques. Au contraire, il faut investir. Dans le soin et le lien pour revaloriser ce secteur féminisé, améliorer la prise en charge de nos proches et socialiser les tâches domestiques, mais aussi dans l’isolation des bâtiments, les infrastructures de transport, la
recherche et l’innovation…Mais je le dis tout net. Pour financer ces investissements colossaux, pas question que ce soit encore les mêmes qui passent à la caisse !

 

Le capital est responsable de la crise environnementale, c’est lui qui doit payer !
 

Je dirai une chose pour résumer. Pour la CGT la prise en compte du défi environnemental n’est pas seulement une nécessité. C’est aussi une opportunité. Celle de rompre avec ce modèle néolibéral qui nous mène dans le mur.
 

Pour conclure, je vous adresserai une dernière question. La CGT - contrairement d’ailleurs au patronat - refuse de débattre avec l’extrême droite que nous n’avons pas invitée aujourd’hui car nous savons que c’est le pire ennemi des travailleuses et des travailleurs et que nous refusons de la banaliser. Pour la CGT, le rassemblement national ne sera jamais un parti comme les autres.
 

Vous engagez vous à ne pas faire d’alliance, à ne pas vous associer à une majorité construite avec des partis d’extrême droite ?
 

Mesdames les candidates, messieurs les candidats. Notre Europe, notre démocratie crèvent de la perte de crédibilité de la parole politique. De ces promesses trahies. De ces discours en décalage complet avec les actes.
 

Alors nous vous demandons une chose : la franchise et l’honnêteté. Pas de langue de bois. Des actes.

 

Sources : la CGT

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