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CGT Cochin

blog de la CGT de l'Hôpital Cochin

Laurent Brun sur Marx et le syndicalisme

Publié le 12 Mai 2023 par CGT Cochin in Textes fondamentaux, définitions de base

Laurent Brun sur Marx et le syndicalisme

[Extrait d'un compte rendu du débat qui a clos un cycle de rencontres organisé par les Amis de l’Humanité 63. Nous n'avons ici retenu que les interventions de Laurent Brun. Vous trouverez l'article complet sur : https://fdgpierrebe.over-blog.com/2023/05/bataille-d-idees.karl-marx-au-service-des-luttes-actuelles.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail  (CGT Cochin)]

[...] Est-ce que le marxisme peut informer les pratiques syndicales et plus généralement l’organisation des luttes ?

Laurent Brun : C’est ce qui personnellement m’a amené à lire plus que le Manifeste du parti communiste et à participer à des groupes de lecture sur Marx et sur Lénine parce que lire soi-même c’est bien, mais en discuter c’est encore mieux. Les expériences de lutte que j’ai connues m’ont amené à approfondir la réflexion. Au-delà de l’expérience, au-delà du militantisme et au-delà de l’« instinct », je me suis retrouvé dans la situation d’avoir besoin de réfléchir sur la stratégie.

Dans cette réflexion, trois idées de Marx me semblent importantes. D’abord, la notion d’antagonisme entre les classes. L’idée que des intérêts s’affrontent et sont irréconciliables dans notre société. Cette notion d’antagonisme des classes ancre les pieds dans la réalité du fait social et de la lutte.

Le deuxième élément important pour moi, c’est la dialectique. La dialectique, c’est le moyen de comprendre les contradictions, de comprendre les rapports de force et de comprendre comment on peut intervenir sur ces rapports de force. Tout n’est pas tout blanc ou tout noir. Les choses évoluent en fonction des actions d’une classe ou d’une autre et donc nos actions, à nous, individuelles ou collectives, pèsent sur la manière dont mon camp fait évoluer cette espèce de « masse grise » et la fait évoluer dans le bon sens. Si l’on n’a pas cette grille de lecture, très rapidement, on se décourage.

Le troisième élément, c’est l’idée d’organisation. Lénine complète Marx avec l’idée de la nécessité d’une organisation solide et d’une pensée travaillée dans l’organisation. L’organisation est un élément central de la lutte. Si l’on n’est pas organisé, on ne peut pas peser sur la réalité. [...]

[...]

En quoi une grille de lecture marxiste permet-elle de ne pas « tomber dans le panneau » de l’idéologie du néolibéralisme économique ?

Laurent Brun : Au-delà du philosophe, au-delà de la question de la méthode, il y a chez Marx la théorie économique. Quand on lisait il y a quelques années un budget d’entreprise, on avait la colonne « salaires », la colonne « valeur ajoutée », la colonne « chiffre d’affaires » et « profits ». Aujourd’hui on a « Ebitda », « capex », « résultat net », etc., bref des termes qui sont incompréhensibles. Quand vous lisiez « valeur ajoutée », vous pouviez voir que c’était 60 % du chiffre d’affaires et que sur la « valeur ajoutée », les « salaires » représentaient 40 %. Donc vous saviez que la « valeur ajoutée » c’était vous, c’était votre travail, et vous saviez que vous n’en récupériez qu’une fraction. Évidemment, quand vous passez à des catégories comme « Ebitba », « capex » ou « résultat net »…, vous ne voyez plus ce que vous produisez vous-même là-dedans. Comme, en plus, votre employeur – ou ses représentants – vous répète constamment que vous êtes un « coût », que vous êtes une « charge », un « boulet », vous finissez par intégrer cela et le fait qu’il faut produire plus et qu’il ne faut pas être trop exigeant. Les analyses de Marx nous permettent de décrypter cela mais aussi, plus largement, de comprendre les différents aspects de la logique du capital.

Par exemple, la baisse tendancielle du taux de profit montre que le capital a besoin d’accroître en permanence l’exploitation du travail pour parvenir à se maintenir à flot dans les phases de rétraction des marchés. La crise qu’on vit aujourd’hui en est une expression très concrète. Dans le contexte de la forte hausse des prix actuelle, on ne va pas diminuer les salaires pour augmenter l’exploitation du travail. Il faut donc faire autre chose.

Premièrement, des mesures pour limiter l’augmentation des salaires avec des primes pas pérennes.

Deuxièmement, augmenter la productivité du travail. Faire faire plus d’heures. Troisièmement, s’attaquer au salaire socialisé parce que c’est la partie du salaire que les salariés qui n’ont pas conscience des choses défendent le moins, et donc c’est la partie qui est la plus facile à reprendre. Donc, on a la réforme du chômage et la réforme des retraites ainsi qu’un certain nombre de mesures pour s’attaquer à la partie du salaire socialisé. On est là dans la logique du capital. Si on se bat en ce moment, c’est aussi contre cela. Il faut vraiment qu’on diffuse la pensée marxiste. C’est celle qui permet de comprendre toutes ces choses. [...]

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